quelqu'un

Je te dirai qui tu es

Le portrait, c'est un peu mon Everest photographique — fascination, envie, crainte et renoncement. Comme un alpiniste de salon, je n'ai jamais vraiment tenté l'aventure, je me contente d'en rêver en regardant les photos que les autres en ont rapporté. Je sais ce que je vois, ce que je voudrais coucher sur la pellicule, je vois des modèles, je laisse filer les moments.

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Cet après-midi, comme c'est parfois arrivé, les étoiles se sont alignées. Le bon moment, la bonne personne, prendre le temps et laisser faire. Rien de très préparé mais quelques images plus ou moins réussies. Le regard de l'autre, ce qu'il cache et ce que je vois, l'intimité que l'on crée dans un temps fugace, et l'abime qui regarde en moi, qui mélange les sensations, qui m'arrête au milieu du mouvement.
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Le coeur sur les mains

Elle parle, mais sa voix n'est pas seule. Son corps parle aussi, et il a des choses à dire. Ses mains, en particulier, semblent douées d'une autonomie fluide, presque animale. Elles suivent la conversation, elles réagissent, ou bien elles suivent un autre fil de pensée et elles s'occupent comme si de rien n'était. J'écoute du regard, et je sens ce qu'elles disent.

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Quand elles parlent, elle ouvre son coeur ; quand elles bougent, elle l'a sur la main. Alors on peut lire à coeur et à travers. Les couleurs de son humeur, les angoisses et les attentes, les impatiences et les désirs. Le temps passe, et la conversation se mue en silence. L'objectif est là, les mains sont vues, et de peur d'être lues elles se posent sagement en attendant que le regard promène ses questions sur d'autres paysages…
 
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Insaisissable

Plus l'appareil est simple, plus on peut aller loin. Plus on en a envie, peut-être. D'ailleurs, plus loin pourrait bien signifier plus simple. La quantité étouffante d'arguments commerciaux en faveur de la simplicité est la marque des temps de complication effrénée, c'est une évidence. La boucle est bouclée. C'est cette sensation que je continue à découvrir en trimballant mon Df.

Je fais de moins en moins d'efforts en photo, ce qui se traduit la plupart du temps par des photos d'une platitude sans nom. Mais quelques-unes, parfois, ouvrent la porte sur un monde de rêverie et me font signe qu'il y a quelque chose de plus à aller chercher. Et ce quelque chose pourrait bien être atteint plus facilement en laissant de côté les automatismes de l'appareil — comme on laisse alors de côté les automatismes de la personne.

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Reste à aller chercher ce quelque chose, à faire un effort pour le sortir. Faire un pas de côté, comme dirait quelqu'un que j'aime bien. Aller chercher le concept, la nature, l'insaisissable. Je devrais mettre plus d'imagination là où je veux montrer ce que je vois. Paradoxe de la photographie ? Soit ! On dit toujours que le matériel ne fait pas le photographe : c'est vrai, mais il l'influence, c'est sûr.
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Photographe, toujours tu chériras l'hiver

Petite sortie presque hivernale ce matin. À l'heure où blanchit la campagne, je… Non, une bonne heure après cette heure-là, j'ai rejoint mes camarades de crapahute dans la nature. Notre objectif (ha, ha, jeu de mot !) était de capturer un peu de ce qu'on aime dans l'hiver : les matins brumeux, le soleil timide qui vient après, le givre et la rosée sur les herbes humides, les couleurs passées de la forêt et l'air aussi glacé que clair.

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Mais à part un peu de brume, pas grand chose de tout cela aujourd'hui. Je n'ai pas ramené de "belles" photos. Ce n'est pas grave. Restent les échos de notre amitié, le plaisir d'avoir marché ensemble, les joues rosies de froid, et nos rires plus ou moins fins résonnant joyeusement dans la campagne…
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Le saloon de la photo

Entre ici, ô cowboy photographique ! Toi qui marche les jambes arquées à cause de ton matériel si imposant. Toi qui ne peut faire un pas sans emmener un boitier de deux kilos, flanqué de son objectif à la lentille énorme, posé sur un trépied sorti d'un film de science fiction. Toi qui viens au Salon de la Photo parce que tu vis photo, tu respires photo et tu plies sous le poids du matériel haut de gamme.

Aujourd'hui, pour ponctuer deux mois de travail infernal non-stop, c'est journée plaisir au milieu des autres geeks de la photo, à la grand' messe du genre, à Paris bien sûr. Petit cliché dans le train avec mon copain Claude, compagnon d'aventures photo, ami de toujours depuis dix ans (oui, oui), l'oeil constamment rivé au 5D et l'imagination sans cesse en alerte…

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Et nous avons donc pris bien du plaisir à regarder, tester, tripoter et conjecturer sur tout ce que le monde de la photographie offre de plus raffiné, de plus tape-à-l'oeil, de plus cher, de plus technologique, de plus poétique ou de plus surfait. Nous avons tâté du Zeiss, du Nikon, du Canon, même du Fuji, des objectifs qui valent six mois de salaire (les bons mois…), des imprimantes qui pèsent le poids d'une voiture, des photos qui vomissent la couleur et d'autres qui sussurent l'amour du temps qui passe.

Le tout au milieu des rêveurs et des techno-poètes comme nous, au milieu des prétentieux qui ne sortent pas sans un sac à dos énorme et deux boitiers à la ceinture, au milieu des dingues du déclencheur qui mitraillent les hôtesses et les mires de test, au milieu des rédacteurs de magazines, des conférenciers, des développeurs d'applications miracles, des farfelus qui font une analyse freudienne de chaque photo, des agences de voyage, des gens qui mâchent la bouche ouverte, de ceux qui sont juste contents d'être là et sourient aux autres, des artistes d'un jour et des vendeurs de billets gratuits à la sauvette.

Mais avec ça, on n'a même pas pu voir un Leica. Non. Car Leica n'expose pas. Leica se contente d'être là et de toiser le reste du monde. Leica cache ses boitiers dans les tiroirs mélaminés d'un meuble fermé à clef. Pff.
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